Depuis le début de l’année 2025, le périscolaire parisien est au cœur d’une tempête sans précédent.
Selon le parquet des mineurs, quinze enquêtes judiciaires ont été ouvertes pour des faits d’agressions sexuelles commises dans le cadre périscolaire à Paris, principalement en maternelle, impliquant plusieurs dizaines de très jeunes enfants (source : Le Monde, 24 novembre 2025).
Dans le même temps, la Ville de Paris confirme la suspension de 30 animateurs sur l’année 2025, dont 16 pour des faits à caractère sexuel, un chiffre stable par rapport aux années précédentes mais qui pèse lourd dans l’opinion publique (source : CNews, 14 novembre 2025).
Résultat :
-les familles doutent de la capacité des institutions à protéger leurs enfants,
-les équipes d’animation se sentent à la fois pointées du doigt et abandonnées,
-le secteur entier est sommé de se réformer.
Cet article AnimPedia propose un pas de côté :
-non pas additionner les indignations, mais poser le problème au niveau de la réflexion et ouvrir des pistes de transformation -comprendre la nature des violences et des défaillances,
-analyser la réponse institutionnelle,
-proposer des leviers concrets (projet de vie / projet bien-être, formation ciblée des responsables, remise à plat du modèle économique),
-montrer la plus-value d’outils structurants comme ceux proposés sur Jobanim.net.
Que se passe-t-il concrètement dans le périscolaire parisien ?
Les affaires remontées depuis début 2025 concernent majoritairement :
-Des violences sexuelles sur des enfants de moins de 6 ans, pendant les temps d’accueil, de sieste ou de cantine.
-Des faits de harcèlement sexuel entre collègues au sein des équipes d’animation.
-Des violences dites “éducatives” : tapes, cris, moqueries, humiliations, punitions collectives, signalées dans plusieurs écoles, notamment dans l’Est parisien (11ᵉ arrondissement en particulier).
Sources Le Monde.fr
Plusieurs témoignages de parents et d’élus pointent aussi un problème de gestion des premières alertes : certains agents mis en cause auraient été déplacés sur d’autres écoles avant d’être véritablement écartés, faute de procédure claire ou de mémoire institutionnelle solide (source : enquêtes de presse récentes sur les dérives du périscolaire à Paris).
Sources : Elle
En toile de fond, une réalité nouvelle :
la libération de la parole des enfants et des parents entraîne mécaniquement une hausse des signalements, comme l’illustrent aussi bien les articles de presse que les travaux du Défenseur des droits sur la parole des enfants.
Sources : Défenseur des Droits
Les failles structurelles du système : où ça casse ?
Les cas individuels sont insupportables. Mais si on s’arrête à la figure du “monstre isolé”, on passe à côté de l’essentiel :
les failles sont aussi systémiques.
1. Recrutements vacataires fragiles
La Ville de Paris emploie environ 14 000 animateurs, dont 10 000 vacataires recrutés chaque année pour reconstituer le vivier (source : Le Monde, 14 novembre 2025).
Avant le nouveau plan d’action, plusieurs limites étaient pointées :
-contrôle du casier judiciaire pas toujours actualisé,
-entretiens centrés sur le “savoir-faire” (gérer un groupe, animer un jeu) et pas assez sur la posture éducative et le rapport au corps de l’enfant,
-recrutement d’urgence pour “boucher les trous”, sans temps d’intégration ni d’observation en situation.
Ce cocktail crée un contexte où les personnes inadaptées ne sont pas filtrées assez tôt, et où les autres ne sont pas suffisamment outillées.
2. Sous-effectif et solitude professionnelle
Autre constante dans les témoignages :
-groupes très chargés,
-enfants fragiles (âge, handicap, difficultés psycho-sociales) confiés à des animateurs seuls sur un espace,
-temps de pause réduits, peu de co-animation, peu d’observation mutuelle.
Dans ces conditions, les dérives graves sont :
-plus difficiles à repérer,
-plus longues à documenter,
-plus compliquées à signaler, faute de temps et de cadre collectif.
3. Une mémoire des signalements trop courte
Plusieurs affaires ont mis en lumière :
-l’absence de traçabilité claire des signaux faibles,
-des informations qui restent au niveau de l’école ou de la circonscription,
-des dossiers perdus, incomplets ou non consolidés dans le temps.
Le nouveau plan d’action parisien prévoit justement un dispositif de conservation de la mémoire des signalements et la création d’une commission collégiale pour les examiner (source : Ville de Paris, plan d’action contre les violences faites aux enfants, 14 novembre 2025).
Sources : Paris
Comment la Ville de Paris a réagi : un plan d’action inédit
Face à la montée des signalements et à la colère des familles, la Ville de Paris a présenté, le 14 novembre 2025, un plan d’action contre les violences faites aux enfants, décrit comme une première en France (sources : Ville de Paris, Le Monde, CNews)
Parmi les mesures phares :
Création d’un Défenseur des enfants de la Ville de Paris, autorité indépendante rattachée directement au/la Maire, pouvant être saisie par les enfants, les familles et les professionnels, avec pouvoir d’auto-saisine.
Sources : presse.paris.fr
Suspension immédiate de l’agent mis en cause en cas de suspicion grave, avec saisine systématique du Défenseur des enfants et de la justice si nécessaire.
Sources : Paris
Formation renforcée des animateurs :
-formation à la détection des signaux faibles,
-formation obligatoire de deux jours avant toute prise de poste pour les nouveaux vacataires, conditionnant leur déploiement sur le terrain.
Sources : Le Monde.fr
Mise en place d’une commission collégiale d’instruction des signalements, associant élus, représentants de parents et personnalités qualifiées, pour assurer transparence et suivi dans le temps.
Sources : presse.paris.fr
Ce plan marque une prise de conscience institutionnelle.
Reste une question : comment le terrain s’en empare-t-il, au-delà des effets d’annonce ?
Et si chaque structure adoptait un “projet de vie / projet bien-être” pour les enfants ?
On parle beaucoup de projet pédagogique. On parle peu de projet de vie ou de projet bien-être au sein des écoles, accueils périscolaires et centres de loisirs.
L’idée est pourtant simple et puissante :
-ne plus se limiter à décrire les activités (ateliers, sorties, jeux), mais formuler noir sur blanc :
-“Quelle qualité de vie voulons-nous garantir aux enfants, chaque jour, dans notre structure ?”
Un projet de vie / projet bien-être, intégré au projet pédagogique, pourrait inclure au minimum :
-un engagement explicite à zéro violence physique et psychologique (tapes, cris, humiliations, punitions collectives),
-des temps et espaces de calme, des “coins refuge”, des rituels sécurisants pour les enfants,
-le respect de l’intimité (toilettes, vestiaires, sieste) et du corps de l’enfant,
-des modalités concrètes pour entendre la parole des enfants (boîte à parole, temps de conseil, adultes référents identifiés),
-la place donnée aux familles dans l’échange éducatif.
Ce document n’est pas un poster de bonnes intentions :
-c’est un engagement éducatif, lisible par les équipes, les enfants et les parents, qui peut être présenté, expliqué, évalué et révisé.
Responsables périscolaires : des pilotes encore trop peu formés
Les débats se concentrent souvent sur les animateurs en contact direct avec les enfants.
Mais un maillon reste largement dans l’ombre : les responsables de temps périscolaire (coordonnateurs, référents de site, adjoints de direction…).
Ce sont pourtant eux qui :
-organisent les plannings et arbitrent les effectifs,
-accueillent les premières plaintes des familles,
-gèrent les tensions au sein de l’équipe,
-déclenchent – ou pas – les signaux d’alerte.
Le problème, c’est que beaucoup accèdent à ces fonctions :
-avec peu de formation spécifique sur la protection de l’enfance,
-sans véritable outillage pour gérer un signalement sensible,
-sans accompagnement structuré sur la conduite d’équipe dans un cadre sous-doté.
Une piste forte pour le secteur serait de définir un socle de compétences obligatoire pour ces responsables, incluant :
-connaissance des cadres juridiques (signalement, cellule de recueil, 119, rôle du Procureur),
-gestion des situations d’urgence et des paroles d’enfants,
-animation de réunions d’équipe sur les questions d’éthique, de bien-être, de violence éducative,
-articulation avec le projet de vie / projet bien-être de la structure.
Des ressources comme celles de Jobanim.net peuvent apporter une plus-value très concrète :
-dossiers thématiques dédiés aux responsables périscolaires,
-études de cas et mises en situation,
-fiches pratiques prêtes à utiliser en réunion d’équipe.
La main-d’œuvre “pas chère”… à quel prix ?
Derrière la crise actuelle se cache aussi un choix de société :
Le périscolaire repose massivement sur une main-d’œuvre peu payée, souvent précaire, avec des horaires fragmentés (matin / midi / soir) et des contrats courts.
Conséquences :
-forte rotation des équipes,
-difficulté à fidéliser les professionnels expérimentés,
-peu de temps pour se former, se poser, analyser les pratiques,
-impossibilité de construire une culture commune de protection sur plusieurs années.
On paie “moins cher” le périscolaire, mais le coût réel se reporte ailleurs :
-sur la qualité de l’accueil et la continuité éducative,
-sur la sécurité émotionnelle des enfants,
-sur la confiance des familles,
Réinvestir dans :
-des postes plus stables,
-des temps de travail moins morcelés,
-une rémunération plus digne,
-de la formation continue,
Pistes d’action concrètes pour les structures
Pour rester au niveau de la réflexion tout en offrant des leviers praticables, voici quelques axes d’action cohérents avec les enjeux actuels :
1. Clarifier le cadre de l’intime et du corps
-définir ce qui est autorisé, encadré, interdit,
-intégrer ces règles dans le projet de vie / projet bien-être,
-les présenter aux familles et, de façon adaptée, aux enfants.
2. Organiser la co-présence et limiter l’isolement
-réduire les situations où un adulte se trouve seul avec un enfant à l’écart,
-prévoir des binômes sur les temps les plus sensibles (sieste, douche, toilettes en séjour),
-organiser des temps de regard croisé entre collègues, non pas dans une logique de suspicion, mais de vigilance partagée.
3. Formaliser un protocole de signalement compréhensible
-préciser qui prévient qui, comment et sous quel délai,
-prévoir des fiches de signalement claires,
-articuler ce protocole avec les dispositifs nationaux (119, parquet, services sociaux),
-conserver une trace chronologique des faits et des décisions.
4. Ancrer la formation dans le quotidien
-utiliser des supports comme ceux de Jobanim.net pour animer des temps d’analyse de pratique,
-travailler sur des cas concrets, sur la gestion de la colère, du stress, des conflits,
-outiller spécifiquement les responsables de site pour qu’ils deviennent de vrais pilotes éducatifs.
Ce que l’on retient
La situation parisienne de 2025 est un signal fort pour tout le secteur de l’animation :
-la libération de la parole des victimes et des familles est irréversible ;
-les dispositifs de contrôle et de formation doivent changer d’échelle ;
-le périscolaire ne peut plus être pensé comme une simple “garderie low-cost”.
La question centrale devient alors :
-Comment faire du périscolaire un temps de vie éducatif sécurisé et émancipateur, plutôt qu’un angle mort entre école et famille ?
Les réponses passeront à la fois par :
-des politiques publiques ambitieuses (plans d’action, postes de Défenseur des enfants, moyens supplémentaires),
-des projets de vie / projets bien-être clairs dans chaque structure,
-une montée en compétence des responsables périscolaires,
-des outils professionnels partagés peuvent mettre à disposition pour structurer la réflexion et transformer les pratiques.
Foire aux questions (FAQ)
1. L’augmentation des signalements signifie-t-elle que les violences sont plus nombreuses qu’avant ?
Pas forcément.
L’augmentation des signalements peut traduire :
-une libération de la parole des enfants et des parents,
-des médias qui couvrent davantage ces sujets,
-des dispositifs de recueil plus accessibles (Défenseur des enfants, référents, numéros dédiés).
En revanche, cette visibilité rend impossible le déni : il n’est plus acceptable de considérer ces faits comme des “exceptions malheureuses”.
2. Un “projet de vie / projet bien-être”, ce n’est pas juste un document de plus ?
Cela pourrait l’être… si on le laisse au fond d’un classeur.
L’intérêt d’un projet de vie / bien-être, c’est :
-de donner un cap éducatif clair : ce que l’on veut garantir à chaque enfant,
-d’impliquer les familles et les équipes,
-de servir de base pour évaluer et ajuster les pratiques.
Avec des trames et des outils adaptés, ce projet devient un levier concret pour réduire les violences et renforcer le sentiment de sécurité.
3. Comment réagir si un enfant confie un geste ou une parole choquante ?
Trois réflexes essentiels :
-Écouter sans juger ni compléter ce que dit l’enfant.
-Noter rapidement les éléments factuels (mots utilisés, contexte, date, lieu).
-Informer la hiérarchie et, selon la gravité, activer les dispositifs de protection (119, médecin, parquet).
-Le rôle des professionnels n’est pas d’enquêter, mais de transmettre et protéger.
4. Pourquoi insister sur la formation des responsables périscolaires ?
Parce qu’ils sont les pivot entre :
-les équipes,
-les familles,
-les services de la collectivité,
-parfois l’institution scolaire.
Sans formation spécifique, les animateurs se retrouvent à gérer des situations à très fort enjeu (suspicion de violences, conflits avec des parents, burn-out d’animateurs) avec peu de repères.
Les outiller, c’est sécuriser tout le système, pas seulement leur poste.
Références (sélection)
Le Monde, « A Paris, l’augmentation des signalements d’agressions sexuelles met le périscolaire sous tension », 24 novembre 2025.
Le Monde, « La Ville de Paris annonce renforcer le contrôle et la formation des animateurs périscolaires », 14 novembre 2025.
Ville de Paris, « Paris présente un plan d’action contre les violences faites aux enfants », communiqué du 14 novembre 2025.
CNews, « Violences sexistes dans les écoles : création d’un poste de Défenseur des enfants », 14 novembre 2025.
Défenseur des droits, Rapport annuel Enfant 2025 – Le droit des enfants à une justice adaptée, novembre 2025.
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